Au cœur de l'écho a été écrit par Thomas Disch [1940-2008] et nous présente l'impact inattendu d'une nouvelle technologie méconnue, dans ce cas-ci la téléportation, sur la société humaine. L'histoire se déroule sur deux plans. Nathan Hansard un capitaine d'armée doit se rendre sur Mars, par l'entremise du transmetteur de matière, inventé par Panofsky un éminent mathématicien étroitement surveillé par le gouvernement. Le transmetteur de matière a été conçu dans une ambiance d'éventuelle apocalypse causée par la guerre russo-américaine (thème très prisé de la S-F des années 60-70, on ne se demandera pas pourquoi...), mais ce décor ne sert que de trame de fond à l'histoire principale. Au moment où le capitaine utilise le transmetteur, un double de lui-même est créé dans une autre réalité. Dans celle-ci, Hansard 2 vit comme un  fantôme, il passe au travers de la matière et observe l'intimité des personnes du monde réel, sans qu'elles n'aient le moindre soupçon de sa présence. Dans cette réalité devenue accessible à cause du transmetteur, il est l'écho de son lui-même demeuré dans le monde réel.


Aussitôt dans cette réalité divergente, il rencontre d'autres personnes qui comme lui sont prisonniers. Il se confrontera donc à d'autres militaires devenus cannibales et plus tard il sera secouru par Panofsky et sa femme, Bridgetta. En effet, ces derniers possèdent dans leur demeure un transmetteur personnel de matière, ce qui fait qu'ils y passent souvent. Par conséquent, Nathan prend contact avec 2 docteurs Panofsky et 3 Bridgetta : « C'est un peu comme un écho. Eh bien, moi, je suis un écho vieux d'une semaine et il y a quatre mois que Jet est ici. Elle était Bridget avant mon arrivée, et Bridie, elle, est là depuis le début, il y a deux ans. » p.112. Tous ces doubles survivent grâce aux bons soins du Docteur Panofsky et de sa femme Bridgetta du monde réel, qui présument de l'existence de leur double dans une autre réalité créée par le transmetteur. Ainsi, ils placent dans le transmetteur de la nourriture, de l'eau et des biens de première nécessité pour que leurs doubles survivent.
 

Plusieurs questions éthiques et philosophiques (le suicide des doubles (échos), l'âme, etc.) sont soulevées dans ce roman. Par l'entremise de Nathan, l'auteur nous expose les craintes et les doutes associés à la continuation de l'utilisation d'une telle invention sur les croyances religieuses. Nathan en fait part à Panofsky : « Tout d'abord, Nathan, il faut que je vous explique la nature de l'âme. À la conception, quand l'âme est créée, elle est unique et indivisible. C'est ainsi que Dieu l'a faite. Pensez-vous que je puisse créer des âmes ?...Évidemment non !... Le transmetteur que j'ai inventé ne peut pas non plus en créer. Ma multiplicité apparente ne signifie donc rien aux yeux de Dieu. Je n'irai pas jusqu'à dire que je ne suis qu'une illusion, disons plutôt que je ne suis qu'un épiphénomène. » p.150.
Puisque les doubles ne possèdent pas d'âmes, ils leur apparaissent normaux de se suicider lorsqu'ils deviennent trop nombreux. Les valeurs morales et religieuses très fortes de Nathan sont confrontées à ce monde exempt de normes et de règles, car tout ce qui a été imaginé par l'homme n'existe plus. C'est un monde nouveau, vierge de religion et d'histoires.
 

Ce qui rend ce livre agréable à lire, c'est son homogénéité. En effet, tout ce qui mérite une explication est écrit au fur et à mesure que le récit avance, au lieu de former un gros bloc d'explications insipides à la fin du roman comme ce fût le cas pour Rayons pour Sidar (Cf. article précédent). Malgré un petit côté quétaine, ce livre aborde des sujets délicats et profonds qui méritent d'être réfléchis. Je me sens soulagée de réaliser que nous ne possédons pas encore cette technologie, car si elle fonctionnait comme dans ce livre, ça serait vraiment le bordel... malgré qu'on n'en aurait pas conscience.

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